proprioception musculaire

La proprioception : Comment fonctionne t-elle sur un sportif ?

Sommaire

LA PROPRIOCEPTION SUR L’EQUILIBRE CHEZ LE KARATEKA DE HAUT NIVEAU

Lors de mes études, j’ai rédigé une thèse sur la proprioception auprès d’une championne de france de kata par équipe, en vue de l’obtention de mon diplôme Master 2.

C’est une étude très complexe qui porte sur les récepteurs des petits muscles du corps qui gère l’équilibre,

Je la partage avec vous.


UNIVERSITE MONTPELLIER I

Unité de Formation et de Recherche
En Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives

Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master 2 Professionnel Sciences du Mouvement Humain

Spécialité Ingénierie de Ergonomie des Activités Physiques et Sportives

Parcours INGENIERIE DE LA PERFORMANCE

Option PREPARATION PHYSIQUE

EFFETS D’UN PROGRAMME D’ENTRAINEMENT SPECIFIQUE EN PROPRIOCEPTION SUR L’EQUILIBRE CHEZ LE KARATEKA DE HAUT NIVEAU

Présenté par Julien QUAGLIERINI

Sous la direction de : Ludovic MARIN Jean-Paul MICALLEF

Année universitaire 2005-2006

Remerciements

Je tiens à remercier mon directeur de mémoire M. Ludovic Marin (MCU) pour son aide précieuse quant aux aspects théoriques de ce projet.
Merci à mon co directeur de mémoire M . Jean Paul Micallef, Directeur de Recherche INSERM, pour la mise à disposition du matériel et tout le temps qu’il a consacré à la réalisation de ce projet.

Merci à M. Sébastien Racinais pour m’avoir aider à l’analyse statistique des résultats. Merci à DVO concept pour la mise à disposition du matériel HUBER® de LPG.
Merci à tous les athlètes du pôle France Karaté qui ont participé à cette étude et joué le jeu jusqu’au bout.

SOMMAIRE

1. INTRODUCTION

  1. 1.1.  Le karaté
  2. 1.2.  Une forme de compétition sportive particulière : le kata
  3. 1.3.  La préparation physique spécifique au kata
  4. 1.4.  La notion d’équilibre1.4.1 Bases neurophysiologiques du contrôle postural

1.4.2. Amélioration de l’équilibre par la proprioception

1.5. Objectifs du mémoire

1.5.1. Problématique

1.5.2. But  1.5.3. Hypothèses à vérifier :

  1. METHODE ET MATERIELS UTILISES
    1. 2.1.  Sujets
    2. 2.2.  Procédures d’entraînement
    3. 2.3.  Paramètres mesurés
    4. 2.4.  Matériels, dispositif de mesure
    5. 2.5.  Exemple des mesures de l’évolution de la position du centre de gravité en X Y
    6. 2.6.  Exemple de mesure de la durée de freinage du bras en fin de mouvement
    7. 2.7.  Analyses statistiques
  2. RESULTATS
    1. 3.1.  Station bipodale
    2. 3.2.  Station unipodale
    3. 3.3.  Durée de freinage du mouvement (netteté)
  3. DISCUSSION
    1. 4.1.  La station bipodale
    2. 4.2.  La station unipodale
    3. 4.3.  Durée de freinage du mouvement (netteté)
  4. CONCLUSION ET PERSPECTIVE
  5. BIBLIOGRAPHIE
  6. ANNEXES

1. INTRODUCTION

1.1. Le karaté 

Le Karaté, ou art de la main vide, est né sur l’île d’Okinawa. De par les traces écrites, tout laisse à penser que l’origine du karaté est chinoise et remonterait au 6e ou au 7e siècle : à cette période, les attaques de bandits et autres semeurs de troubles se faisaient fréquentes. Pour y remédier et pouvoir se défendre, les moines du temple du Shaolin (Chine) furent aidés par le moine indien Bodhidharma qui leur enseigna les techniques de combats nécessaires. Cependant, il semble fort probable que ces connaissances n’ont pas été seulement transmises aux moines mais aussi aux insulaires, car lorsqu’au 17e siècle les japonais ont envahi l’île, ils ont trouvé des paysans qui maîtrisaient parfaitement le maniement des armes et les techniques de combat à mains nues.

Au fil des années, le karaté fut exporté dans le monde entier grâce au JKA (Japan Karate Association) qui lança une quête des meilleurs pratiquants de karaté des universités pour les former et en faire des experts incontestables en karaté.

Ce n’est qu’à partir de 1957, après la mort de maître Funakoshi (père fondateur du karaté Shotokan), que se dérouleront les premières compétitions de karaté. La France remportera son premier championnat du monde en 1972 et créera ensuite, en 1975 la FFKAMA (Fédération Française de Karaté et Arts Martiaux Affinitaires).

A l’heure actuelle on compte quatre grandes écoles de karaté : le Shotokan, le Wadô-Ryu, le Shito-Ryu et le Gojo-Ryu.

1.2. Une forme de compétition sportive particulière : le kata

Cette forme de compétition consiste à la réalisation successive par deux adversaires d’un enchaînement préétabli de techniques, propre à chaque école ou style de karaté, devant des juges qui décident de celui qui, selon eux, est le meilleur.
Le pratiquant devra présenter un kata différent à chaque tour jusqu’au 5e après lequel il pourra en reproduire un parmi ceux exécutés précédemment.

1.3. La préparation physique spécifique au kata 

Le kata se caractérise par des techniques exécutées à vitesse maximale entrecoupées de courts temps de pause ou de temps plus lents de faible intensité. La durée du kata varie d’une école à l’autre.

Les données concernant la pratique sportive du kata de haut niveau sont rares.
Ici, les principaux effets recherchés en préparation physique sont l’amélioration de la vitesse, de la puissance.
Globalement on peut distinguer trois types de mouvements :

  • Les mouvements lents et positions statiques dont l’exécution ne peut se faire sans un équilibre postural parfait, critère de jugement primordial en kata.
  • Les mouvements explosifs partant d’une position déterminée immobile et qui s’arrêtent brusquement dans une position précise, stabilisée.
    Bien entendu, pour obtenir une vitesse maximale, les adaptations musculaires sont une préoccupation principale. Mais elles ne sont pas les seules, en effet, le freinage en fin de mouvement est un élément déterminant : plus il sera tardif et sur une courte période, plus on peut espérer que la vitesse réalisée sera maintenue sur une durée plus grande, voire qu’elle pourra atteindre une valeur plus importante. Ainsi, pour que le freinage en fin de mouvement soit tardif et sur une courte période, il est indispensable d’être parfaitement équilibré.
  • Les mouvements avec retour à la position initiale : La vitesse de la majeure partie des mouvements repose sur l’accélération du corps ou d’un de ses segments à partir d’une position stabilisée.

C’est le principe même du travail d’explosivité, c’est-à-dire la capacité à produire une force la plus élevée possible dans un temps le plus court dès le début du mouvement.
Ici, on peut donc supposer que plus la position du corps sera stable dès le début du mouvement, plus l’accélération sera importante.

De plus, l’impression de « netteté » du mouvement (critère de jugement primordial en compétition) sera d’autant plus importante que celui-ci s’achèvera par une décélération brutale et une stabilisation rapide du corps ou de la partie du corps concernée.

Extraits des critères de jugements en compétition saison 2005-2006 :

« Le Kata n’est pas une danse ni une représentation théâtrale. Il doit garder les valeurs et les principes traditionnels. Il doit être réaliste en ce qui concerne le combat et montrer concentration, puissance et impact potentiel dans les techniques. Il doit montrer résistance, puissance ainsi que vitesse, rythme et équilibre. »

Ainsi, équilibre et stabilité sont bien des notions déterminantes en kata, des bases à partir desquelles les autres qualités physiques pourront être développées.
En effet, les critères de jugements imposent :

a) La démonstration réaliste de la signification du Kata.
b) La compréhension des techniques utilisées (BUNKAI).
c) Du bon temps, rythme, vitesse, équilibre et focalisation de la puissance (KIME).
d) L’utilisation convenable et correcte de la respiration.
e) La focalisation convenable de l’attention (CHAKUGAN) et concentration.
f) Des positions correctes (DACHI) avec une tension convenable dans les jambes et les pieds à plat sur le sol.
g) La tenue convenable de l’abdomen (HARA).
h) La forme correcte (KIHON) du style présenté. »

Ici, l’importance de la notion d’équilibre en kata apparaît comme un déterminant de la performance.

1.4. La notion d’équilibre

L’équilibre est «le terme générique pour désigner la dynamique de la posture corporelle dans la prévention des chutes. Il est relatif à l’action des forces inertielles sur le corps et aux caractéristiques inertielles des segments corporels » (Winter 1996).
Les mécanismes qui sous tendent le contrôle du mouvement et d’équilibre sont complexes car ils mettent à contribution des structures très variées du système nerveux.

Nous verrons alors que la proprioception est un des principaux moyens de développement de l’équilibre.

1.4.1. Bases neurophysiologiques du contrôle postural

Le contrôle de l’équilibre fait appel à des effecteurs musculaires contrôlés par des structures du système nerveux central, elles mêmes connectées à des afférences périphériques, l’ensemble constituant un système de régulation fortement automatisé1.
Les structures du SNC mises en jeu dans le contrôle postural sont de façon privilégiée le tronc cérébral, le cervelet, les ganglions de la base et les hémisphères cérébraux au niveau de l’aire motrice supplémentaire et du lobe pariétal droit.

  • Les ganglions de la base et le tronc cérébral sont les centres régulateurs des ajustements posturaux. Ils agissent en anticipation (feed forward) et en boucle de rétroaction (feed back).
    • Les structures hémisphériques joueraient un rôle privilégié dans la représentation corporelle qui fixe le référentiel égocentré.
  • Le cervelet joue un rôle important dans la régulation du mouvement au niveau des synergies musculaires. On insiste depuis quelques années sur son rôle clef dans l’acquisition des mouvements.

Les effecteurs musculaires sont répartis sur l’ensemble de la musculature tant axiale que périphérique. Pour assurer la partie active du contrôle postural et de l’équilibre, ils doivent s’opposer à l’action de la pesanteur sur les segments de membre superposés. Ils exercent ainsi ces forces soit de façon passive par la mise en jeu de leur composante viscoélastique, soit de façon active par leur recrutement le plus souvent automatique.

Les mécanismes impliqués dans le contrôle postural et la gestion du déséquilibre, se basent sur l’intervention coordonnée et synergique de plusieurs systèmes perceptifs qui nous informent à tout moment de nos postures, réagissent par rapport à la position d’un muscle ou par rapport à sa longueur, renseignent sur la position dans l’espace, sur les attitudes, sur les mouvements et sur l’équilibre.

C’est ce que l’on appelle la proprioception (concerne la sensibilité profonde, achemine les informations captées au niveau des récepteurs proprioceptifs des articulations, des tendons, des ligaments, des muscles, assure la perception des sensations posturales, informations sur soi-même : elles peuvent par conséquent être aussi bien visuelles que vestibulaires).
Ceci est à opposer à l’extéroception (prélèvement des informations sur l’environnement extérieur).


1 Massion, J. (1992). Movement, posture and equilibrium : Interaction and coordination. Progr. Neurobiol, 38, 35-56

Des ligaments, des muscles, assure la perception des sensations posturales, informations sur soi-même : elles peuvent par conséquent être aussi bien visuelles que vestibulaires).
Ceci est à opposer à l’extéroception (prélèvement des informations sur l’environnement extérieur).

La proprioception regroupe plusieurs systèmes perceptifs :

  • Le système musculo-tendino-articulaire (le plus rapide) représente l’intelligence, c’est-à-dire un service informatif avec ramification périphérique et des senseurs placés au niveau musculo-tendino-articulaire.

Ces senseurs sont capables d’informer à une vitesse très élevée les centres spinaux et du tronc encéphalique. En même temps, ce système est impliqué dans la réponse effectrice. En effet, la possibilité de moduler finement la réponse musculaire dépend des fuseaux neuro- musculaires. Les réactions posturales les plus précoces sont activées par les afférences proprioceptives et sont déficientes quand ces afférences sont perturbées. Ce système semble donc avoir une place de première importance dans la réalisation de katas en karaté où la recherche d’une vitesse maximale, rythme et équilibre est des déterminants de la performance.

  • Le système visuel (le plus précis) semble également avoir toute son importance. En effet, il représente un véritablement système de pointage qui permet de « raccrocher » le corps à des points de fixation tout en améliorant la précision du contrôle postural. Ces deux mécanismes travaillent ensemble et représentent le système de précision.

Enfin, le système vestibulaire (le plus grossier) est le mécanisme le plus tardif à entrer en jeu, car il a un seuil d’activation plus élevé. La plus grande latence de ce système permet au « système de précision » (musculo-tendino-articulaire + visuel) de gérer la plupart des situations posturales d’une façon plus raffinée. Donc il représente un moyen d’urgence qui surpasse les deux autres quand les mouvements de la tête dépassent une certaine amplitude et une certaine vitesse.(2)

(2) Riva, D. (2003). La régression fonctionnelle du contrôle postural chez les athlètes de haut-niveau. Congrès de la société française des masseurs kinésithérapeutes du sport.

Un sujet peut gérer les situations d’instabilité en utilisant trois stratégies principales : musculo-tendino-articulaire / visuelle (contrôle postural le plus raffiné, caractéristique constante des grands champions du sport, seul le membre inférieur bouge à haute fréquence pour gérer la situation d’instabilité), vestibulaire (beaucoup plus imprécise, latence supérieures, contremouvements du tronc, des hanches et des membres supérieurs toujours excessifs par rapport à la situation biomécanique à gérer) avec compensation des bras (tronc presque immobile avec utilisation des bras comme gouvernail, utilisée en présence d’une stratégie proprioceptive inadéquate, pour stabiliser le système et limiter l’intervention du vestibulaire).(3)

De nombreuses études montrent qu’une diminution de l’implication du système musculo- tendino-articulaire / visuel peut provoquer une régression fonctionnelle et peut obliger le sujet à choisir des mouvements de plus en plus simplifiées, en privilégiant des stratégies vestibulaires qui contribuent à augmenter la régression *.

Elles montrent qu’il est important de maintenir les mécanismes posturaux à des niveaux raffinés en particulier chez les athlètes de haut niveau.

1.4.2. Amélioration de l’équilibre par la proprioception :

De nombreuses études montrent l’importance d’un travail proprioceptif pour l’amélioration de la posture et de l’équilibre.
Ainsi, l’exécution d’exercices musculaires sur surface instable (ballons suisses, planches instables) stimule davantage le système nerveux que les méthodes traditionnelles d’entraînement en résistance. L’avantage de ce type d’entraînement tient aux adaptations neuronales qui l’accompagnent. Par exemple, les squats sur des surfaces instables semblent offrir un stimulus d’entraînement pour les muscles du tronc qui soutiennent la colonne vertébrale (érecteur du rachis) et pour les muscles qui contribuent au maintien de la posture.(4) Ainsi, ces données vont se révéler indispensables pour le développement de l’équilibre chez les karatékas.

(3) Riva, D., Soardo, GP. (1999). Per ritrovare l’equilibrio. Sport & Medicina 5, 55-58 Riva, D., Archeopropriocezione. Sport & Medicina 2, 49-55, 2000.

(4) Anderson, K. Behm, D.G. (2005). Trunk muscle activity increases with unstable squat movements. Can J Appl Physiol, 30 (1), 33-45.

L’adaptation neuronale spécifique qui apparaît avec l’entraînement n’augmente pas le recrutement ou l’activation des unités motrices, mais améliore la coordination des muscles agonistes, antagonistes (y compris les muscles stabilisateurs). Depuis quelques années, les chercheurs utilisent l’électromyographie de surface pour mesurer l’activité des muscles à l’effort. Par contre, très peu d’études ont examiné l’effet d’exercices de musculation avec surface instable sur l’activation et la force des muscles.

Dans cette étude, les chercheurs présentent les différences dans l’enregistrement électromyographique des muscles soléaire, vaste externe, biceps fémoral, stabilisateurs de l’abdomen, érecteur du rachis lombaire supérieur et érecteur du rachis lombo-sacré au cours de squats effectués dans des conditions variables de stabilité et de résistance. Ils stipulaient que plus la stabilité diminue, plus l’activité musculaire du tronc augmente.

Quatorze jeunes hommes (25,2 ± 6,2 ans; 175,3 ± 6,5 cm; 82,6 ± 9,7 kg) membres d’équipes compétitives (hockey, soccer, squash), ayant un vécu en entraînement en résistance (moyenne de 7,8 ± 6,4 ans) et participant à un programme d’entraînement en musculation avec poids libres, machines à résistance et exercices avec instabilité, ont participé à l’étude. Six des sujets utilisaient des ballons suisses pour les exercices d’endurance du tronc (sit-ups).

Avant la collecte des données, deux semaines de séances de familiarisation ont été données aux sujets durant lesquelles ils ont effectué des squats sur surface stable et instable (disques d’instabilité) en utilisant uniquement le poids corporel pour trois séries de 10 répétitions à six occasions. Tous les tests furent effectués en une séance. La stabilité a été modifiée lors des squats : – condition très stable : squats sur un appareil de marque Smith; – condition relativement stable : squats libres; – condition instable : squats avec disques d’instabilité sous les pieds.

Trois intensités ont été utilisées : – aucune résistance externe (masse corporelle); – 29,5 kg (poids de la barre de l’appareil Smith); – 60 % de la masse corporelle.
Les sujets suivaient à l’aide d’un métronome un rythme de mouvement de type 1-1-1, c’est à dire une seconde pour descendre à une flexion au genou de 90 degrés, une seconde de transition en bas et une seconde pour remonter. Deux minutes de pause étaient allouées aux sujets entre les répétitions pour réduire l’effet de fatigue.

Anderson, K., Behm, D.G. (2005). The impact of instability resistance training on balance and stability. Sports Med, 35(1), 43-53.

L’activité des muscles soléaires, stabilisateurs de l’abdomen, érecteurs du rachis lombaire supérieur et érecteurs du rachis lombo-sacré (mesurée à l’aide d’électrodes de surface) était significativement plus élevée lors de la condition instable (disques d’instabilité) et plus faible lors de la condition stable (appareil Smith), à p < 0,005. De plus, l’activité électromyographique était supérieure lors de la descente que lors de la montée. L’augmentation de l’activité électromyographique de ces muscles est probablement due à leur rôle postural et de stabilisation.

Les squats sur des surfaces instables semblent offrir un stimulus d’entraînement pour les muscles du tronc qui soutiennent la colonne vertébrale (érecteur du rachis) et pour les muscles qui contribuent au maintien de la posture.(5)

Ainsi, au regard de l’ensemble de ces études, il apparaît que ce type d’exercices est déterminant pour améliorer la stabilité.
Or, nous avons montré plus haut le caractère primordial de l’équilibre dans la performance en kata, nous faisons alors l’hypothèse qu’il est indispensable d’inclure dans le programme de préparation physique de nos karatékas des exercices musculaires de squats sur surfaces instables pour l’amélioration de la posture et de l’équilibre en kata.

1.5. Objectifs du mémoire :

1.5.1. Problématique :

A partir du développement récent de nouveaux moyens technologiques tels que les accéléromètres et les capteurs de force, nous testerons les effets d’un cycle de travail en proprioception sur l’équilibre en kata dans le but d’optimiser le programme de préparation physique spécifique.

1.5.2. But :

Exprimer les effets d’un entraînement spécifique en proprioception grâce aux nouvelles

technologies actuelles sur la performance en kata.

(5) Anderson, K. Behm, D.G. (2005). Trunk muscle activity increases with unstable squat movements. Can J Appl Physiol, 30 (1), 33-45.

Préciser la place de la proprioception dans le programme annuel de préparation physique des karatékas.

1.5.3. Hypothèses à vérifier :

Violan et al. (1997) (6) ont montré que la pratique du karaté améliorait de manière significative l’équilibre proportionnellement au niveau d’expertise des athlètes. Des résultats d’études similaires montrent également une amélioration de la flexibilité, de la force et de l’équilibre. (7)

D’autre part, les résultats de nombreuses études montrent que la pratique du Tai chi améliore de façon significative l’équilibre (8) et le contrôle postural. (la pratique du T’ai Chi mène à une utilisation plus grande de l’élasticité des structures périphériques impliquant les muscles, les ligaments et les tendons tandis que la participation des structures neutres centrales dans l’équilibre postural est diminuée). (9)

Ainsi, la pratique du Tai Chi pendant plus de 1 an pourrait être bénéfiques au niveau des tendons et de la réaction réflexe des gastrocnemiens et améliorerait la proprioception en particulier au niveau de l’articulation du genou et de la cheville. Ces changements seraient associés à une amélioration permanente de l’équilibre dynamique. (10)

Or, le Tai chi chuan est un art martial qui comporte principalement des méthodes de maîtrise de la respiration et des gestes. Les techniques du tai-chi chuan, inspirées des arts martiaux créés dans le monastère du Shaolin-si, sont basées sur la souplesse et la “force interne” (neijia). Le pratiquant se bat contre un adversaire imaginaire, d’où le surnom de “boxe du vide” ou “boxe des ombres”. C’est en cela que le Tai chi se rapproche fortement du kata en karaté. La grosse différence se situe dans les mouvements décrits comme explosifs partant d’une position déterminée immobile et s’arrêtant brusquement dans une position précise (facteurs de vitesse et explosivité).

(6) Violan et al, (1997). Improved balance in novice and elite karate participants
(7) Violan, MA., Small, EW., Zetaruk, MN., Micheli, LJ. (1997). The effect of karate training on flexibility. muscle strength. and balance in 8 to 13-year-old boys. Pediatr Exerc Sci ; 9:55-64.
(8) Hain, T.C., Fuller, L., Weil, L., Kotsias, J. (1999). Effects of T’ai Chi on balance. Arch Otolaryngol Head Neck Surg, 125 (11), 1191-5.
(9) Forrest, WR. (1997). Anticipatory postural adjustment and T’ai Chi Ch’uan. Biomed Sci Instr, 33, 65-70.
(10) Fong, S.M., Ng, G.Y. (2006). The effects on sensorimotor performance and balance with Tai Chi training. Arch Phys Med Rehabil. Jan ; 87(1):82-7.

Par conséquent nous faisons l’hypothèse que, la pratique du kata en karaté améliorerait tout comme le Tai chi les qualités d’équilibre, qualités dont nous avons montré préalablement le caractère déterminant de la performance dans cette activité.

Le fait de programmer un cycle de travail spécifique en proprioception (avec notamment l’utilisation de mouvements de squats sur surface instables) permettrait donc d’améliorer l’équilibre, qualités indispensables au kata et par conséquent la performance dans un temps plus court.

2. METHODE ET MATERIELS UTILISES 2. METHODE ET MATERIELS UTILISES

2.1. Sujets
Cette étude a été menée sur 12 karatékas du pôle France de karaté. Ils ont été partagés en 2

groupes (n= 6) de façon aléatoire (1 groupe proprioception et 1 groupe témoin). Caractéristiques anthropométrique des sujets (GP = groupe proprioception, GT = groupe témoin) :

proprioception

Groupe témoin (GT) 
Dans ce groupe témoin, il n’y aura pas de travail spécifique de proprioception. Il continuera l’entraînement classique technique ainsi que la préparation physique avec l’autre groupe.

Groupe proprioception (GP) 

Ce groupe a été soumis à un cycle d’entraînement spécifique en proprioception pendant 6 semaines.
Ces entraînements sont réalisés 2 fois par semaine en plus des entraînements quotidiens techniques. 1 entraînement par semaine sur le HUBER (20 min) + 1 entraînement en proprioception classique (squats sur surface instables, plateau de Freeman) intégré dans la séance de préparation physique hebdomadaire.

2.2. Procédures d’entraînement :

Le protocole de l’expérience a duré 6 semaines. Les deux groupes ont été évalués deux fois, une en début et une en fin de cycle d’entraînement.

1er entraînement de la semaine :

HUBER® :

la proprioception

J.M. Ferret, médecin de l’équipe de France de football championne du Monde en 1998 et
d’Europe en 2000.
Une étude menée à Lyon par le Docteur J.M.

Ferret, a montré l’impact de l’entraînement avec le système HUBER ® sur des sujets de sexe, d’âge et d’activité sportive différents. En fonction des ces facteurs, elle a permis de mesurer la progression des sujets en coordination et le renforcement des chaînes musculaire, après 8 semaines d’entraînement sur HUBER®.

Les résultats de ces études montrent qu’Huber®, grâce à une activité musculo-squelettique globale et coordonnée contribue à maintenir les qualités

viscoélastiques des chaînes musculaires et articulaires essentielles à une posture de qualité. Il est constitué d’un plateau oscillant, de poignées avec capteurs reliées à un ordinateur intégré permettant ainsi d’exercer et doser des forces avec précision.
A partir d’une évaluation de départ, établissant un score de coordination, et après un échauffement type, le choix du programme s’affiche, du plus simple au plus élaboré, ainsi que des combinaisons libres (free level). En menu libre, on peut choisir la durée du temps d’action (force exercée par les membres supérieurs), le nombre de répétitions et de séries, le temps de récupération, la vitesse et l’amplitude d’oscillation du plateau, le déplacement de la colonne (Scan).
Les efforts manuels, le choix de la position du corps, sont autant de facteurs qui combinés entre eux, permettent d’élaborer une multitude d’exercices sollicitant les muscles profonds de la colonne vertébrale notamment, indispensables à l’équilibre, la coordination, le gainage.

Christine Arron, Fabrice Tiozzo et beaucoup d’autres sportifs de haut niveau (Carole Montillet, Richard Virenque, JC Lafaille, David Garrel) ont déjà intégré HUBER dans leur préparation physique : (L’ultime utilisation pour Fabrice Tiozzo, c’étaient les appuis unipodaux, centrés, excentrés… Surtout, en boxe, il y a beaucoup de problèmes d’esquisses, des coups qu’on donne en n’étant pas vraiment en équilibre. Etre capable d’aller chercher un équilibre ou revenir le plus vite possible sur un équilibre qui peut être momentanément compromis, c’est indispensable. Avec HUBER ce genre d’exercice s’avérait extrêmement utile et efficace.) F.T

2e séance hebdomadaire :

Lors de leur séance de préparation physique hebdomadaire, pendant les phases de récupération, nous avons intégré des exercices spécifiques de proprioception (avec ballon suisse, plateau de Freeman, trampoline) en choisissant des formes et durées d’exercices qui n’engendrent pas de dépense énergétique supplémentaire afin de ne pas perturber leur séance. Puis, à la fin de leur séance de préparation physique, nous avons effectué des exercices spécifiques demandant davantage d’attention, de coordination (squats sur surface instable, sur ballon suisse, avec lancer de Medecin Ball pour augmenter la difficulté).

Figure 1 : Equilibre sur planche instable  Figure 2 : Equilibre avec lancer de medecin ball

proprioception définition

Figure 3 : Equilibre avec lancer de medecin ball (Jessica et Sabrina BUIL, quadruple championne du monde, quintuple championne d’Europe Kata)

proprioceptif

2.3. Paramètres mesurés :

Deux types de mesures ont été réalisés avant (pré-tests) et après (post-tests) le programme d’entraînement spécifique en proprioception :
On a mesuré :

  • Station bipodale et unipodale sur plateforme de force: la détermination des évolutions de la position de la projection du centre de gravité dans le polygone de sustentation nous permet de rendre compte de l’état d’équilibre de l’athlète.
  • Accélérations triaxiales: Pour mesurer l’arrêt brusque d’un mouvement explosif dans une position précise. En kata, il s’agit de mouvements réalisés à vitesse max suivi d’un freinage en fin de mouvement. Ainsi, plus le freinage est tardif et sur une courte période, plus on obtiendra une stabilisation rapide du corps ou de la partie du corps concernée, c’est-à-dire l’effet de netteté, propreté du geste recherché en kata.

2.4. Matériels, dispositif de mesure : Evaluation instrumentale de la posture et de l’équilibre :

Les concepts concernant la régulation de l’équilibre ainsi que les mesures instrumentales des paramètres d’équilibration se sont développés à partir de l’utilisation des plates-formes de forces dont la conception a évolué avec le temps.
La complexité croissant des systèmes, si elle éloigne l’évaluation instrumentale de la sphère de l’exploration accessible au quotidien, a permis de mieux préciser les caractéristiques de l’équilibre en terme de réactions, de référentiel et de stratégies d’équilibration.

La posturographie statique

Les plateformes de force sont composées d’un plateau rigide de taille variable reposant sur plusieurs transducteurs qui transforment la force appliquée en un signal électrique. La mesure des forces et moments exercés au niveau de la plate-forme permet d’en déduire les coordonnées du centre des pressions et de suivre ses variations dans le temps. L’enregistrement simultané des variations du centre de gravité et des variations du centre des pressions montre au niveau de ce dernier des variations de plus forte amplitude et de plus haute fréquence. On admet que dans les conditions d’un équilibre quasi-statique (oscillations de basse fréquence), les variations du centre des pressions sont corrélées à celles du centre de gravité. Dans les autres situations d’instabilité, la stabilométrie n’analyse que les variations du centre des pressions qui ne sont plus représentatives des variations du centre de gravité.

Posture et équilibre sollicitent une partie importante de la musculature axiale et périphérique et font appel à une régulation complexe du système nerveux.

Test 1

Etude du déplacement des centres de pression d’un sujet debout. Pour cela, on met le sujet sur une plate-forme de force qui enregistre à chaque instant la projection au sol des centres de pression. Ces paramètres nous renseignent sur la régulation de la position du centre de gravité. On obtient ainsi un statokinésigramme. L’utilisation d’une plate-forme de forces nécessite, pour l’étude de l’équilibre statique, une normalisation des paramètres qui assure la reproductibilité de l’examen. L’étude de l’équilibre en position debout les yeux ouverts

nécessite une stabilisation du regard sur une cible communément placée entre 90 cm et 2 mètres, ce qui correspond à la distance de repos oculaire. La durée d’acquisition est environ de 20 secondes en appui bipodal, plus réduite en appui unipodal (10 à 15 secondes)

exercice proprioception

Figure 4 : Appui bipodal                                 Figure 5 : Appui unipodal (gauche puis droite)

Le traitement informatisé des données du déplacement du centre des pressions permet de préciser les évolutions du déplacement du centre de gravité du sujet dans les axes antéropostérieur et latéral, ainsi que la longueur totale de la trajectoire décrite par le centre de gravité et de sa vitesse moyenne de déplacement.

proprioceptive

Test 2 

Capteurs (plateforme de force)

Carte d’acquisition

Communication USB

Ordinateur

Constitué par une chaîne de mesure accélèrométrique triaxiale. Les signaux électriques issus de ces capteurs sont amplifiés et digitalisés pour être enregistrés sur ordinateur.
La chaîne de mesure comprend des capteurs (accéléromètres tri axiaux), des amplificateurs, une carte d’acquisition analogique digitale et un PC portable.

Les accéléromètres triaxiaux

Les accéléromètres triaxiaux sont placés au niveau du poing qui frappe. Un câble le relie à une chaîne d’amplificateurs et une carte d’acquisition

proprioception exercices

 située à distance du sujet. Le câble n’entrave pas les mouvements du sportif. Le mouvement exécuté par
l’athlète est un déplacement typique réalisé en kata à vitesse maximale. Il
s’agit d’un oï tsuki shudan (coup de poing en avançant niveau médian).

Accéléromètres triaxiaux

Figure 6 : Accéléromètres triaxiaux (peuvent mesurer des accélérations simultanément dans 3 directions différentes)

Le système d’acquisition est constitué d’un boîtier de conversion analogique digital

comportant 4 voies de mesure. Celui-ci se connecte directement sur le port USB d’un PC portable.

Caractéristiques de la carte Labjack U12 : 4 entrées analogiques différentielles de 12-Bits
± 10 Volts Maximum ; Gains de 1, 2, 4, 5, 8, 10, 16 ou 20 V/V ; 1.2 kEch/Second; USB 2.0/1.1

2.5. Exemple des mesures de l’évolution de la position du centre de gravité en X Y :

mesures evolution proprioception

L’écart-type mesure l’écart à la moyenne observée et correspond à la moyenne quadratique des écarts entre les valeurs observées et la moyenne de ces valeurs observées
Ecart-type X = Ecart type de la trajectoire décrite par le centre de gravité sur l’axe antéro-postérieur

Ecart-type Y = Ecart type de la trajectoire décrite par le centre de gravité sur l’axe latéral

Le temps d’essai a été fixé à 20 secondes.
Longueur max (longueur du « spaghetti ») = Longueur initiale + √ (X2-X1)2 + (Y2-Y1)2

Vitesse = Longueur Max / Temps Essai

Ecart-type X Ecart-type Y 1,94647169 2,74215665

Les valeurs trouvées dans l’étude sont plus importantes que celles trouvées dans les études classiques car la fréquence d’échantillonnage est de 250 Hz tandis qu’elle est de 40 Hz dans la littérature.

Etudes proprioception

2.7. Analyses statistiques

Après avoir vérifié l’homogénéité et la normalité des données pour chaque groupe, l’effet de l’entraînement a été testé avec une analyse de variance à deux facteurs (2 way RM ANOVA) [groupe (GP, GT) x Mesure (pré-test, post-test)] à mesures répétées sur le deuxième facteur. Le niveau de significativité a été fixé p < 0,05 (Sigma Stat, Jandel Corporation, CA).

3. RESULTATS

3.1. Station bipodale :

station bipodale

Les % de variations sont calculés en rapport avec les figures 7 et 8 = 100 x (Moyenne post test – Moyenne pré-test) / moyenne prétest

station bipodale 3

En comparant les résultats obtenus sur les protocoles d’entraînement (GP, GT) et entre le pré et le post test, on constate que :
Le groupe proprioception GP a diminué significativement les oscillations bipodales antéro- postérieure et latérales du centre de gravité de respectivement 12% et 17.5% (F(1,10) = 6.886, p<0.05).

La longueur totale ainsi que la vitesse du déplacement du centre de gravité sur toute la durée du test (20 sec.) ont significativement diminué de 10.8% (F(1,10) =10.248, p<0.05) et 15.7% (F(1,10) = 17.062, p<0.05).
Le groupe témoin GP a augmenté les oscillations antéro-postérieure et latérales du centre de gravité de respectivement 0.6 % et diminué de 1.2% (ns).

La longueur totale ainsi que la vitesse du déplacement du centre de gravité sur toute la durée du test (20 sec.) ont augmenté de 1.4% et 0.9% (ns).

station unibipodale
unipodale
la proprioception

En comparant les résultats obtenus sur les protocoles d’entraînement (GP, GT) et entre le pré et le post test, en faisant une moyenne sur les appuis gauche et droite, on constate que : Le groupe proprioception GP a diminué les oscillations unipodales antéro-postérieure et latérales du centre de gravité de respectivement 6.3% et 4.7%. (ns)

La longueur totale ainsi que la vitesse du déplacement du centre de gravité sur toute la durée du test ont diminué de 14.9% et 8.6%. (ns)
Le groupe témoin GP a augmenté les oscillations antéro-postérieure et latérales du centre de gravité de 0.8% et diminué de 3.8%. (ns)

La longueur totale ainsi que la vitesse du déplacement du centre de gravité sur toute la durée du test ont augmenté de 1.9% et 5%. (ns)

exercices de proprioception

En comparant les résultats obtenus sur les protocoles d’entraînement (GP, GT) et entre le pré et le post test, on constate que :
Le groupe proprioception GP a diminué significativement la durée de freinage du buste en fin de mouvement de 12.8% (F(1,10) = 4,973, p<0.05).

Le groupe témoin GP diminué très légèrement la durée de freinage du segment étudié en fin de mouvement de 0.7% (ns).

4. DISCUSSION 4. DISCUSSION

4.1. La station bipodale

Au vu de l’ensemble de nos résultats, il semblerait que des entraînements en proprioception (HUBER® + squats sur surfaces instables) améliorent significativement la stabilité du centre de gravité en position bipodale. Ces résultats sont en concordance avec ceux de Anderson et Behm (2005).

En effet, ce cycle de travail a certainement permis de renforcer les muscles du tronc qui soutiennent la colonne vertébrale (érecteur du rachis), les muscles qui contribuent au maintien de la posture ainsi qu’une amélioration de la coordination des muscles agonistes, antagonistes.

Nous pouvons faire l’hypothèse qu’il y a eu des effets bénéfiques au niveau des tendons et de la réaction réflexe des gastrocnemiens ainsi qu’une amélioration de la proprioception en particulier au niveau de l’articulation du genou et de la cheville permettant ainsi de diminuer les oscillations de la position du centre de gravité et par conséquent permettre un contrôle plus précis de l’équilibre bipodal.

Le groupe témoin GT qui n’a pratiqué que des séances traditionnelles de type technico- tactique a subi une faible augmentation des oscillations du centre de gravité (déplacement, longueur totale, vitesse), qui se traduit donc par une légère détérioration de l’équilibre bipodal, ce qui rejoint les résultats des études de Riva (2003) sur La régression fonctionnelle du contrôle postural chez les athlètes de haut-niveau.

En effet, la pratique du Kata demande une stratégie posturale très raffinée et sans une stimulation de l’équilibre appropriée, tous les systèmes impliqués dans le contrôle postural peuvent présenter une régression fonctionnelle. Ainsi, il peut arriver que l’hyperstimulation de certains systèmes (système nerveux : vitesse, explosivité notamment) cause la régression de systèmes moins engagés.

Une diminution du système proprioceptif-visuel peut alors provoquer une régression fonctionnelle et peut obliger le sujet à choisir des mouvements de plus en plus simplifiés, en privilégiant des stratégies vestibulaires qui contribuent à augmenter la régression.

Cette régression serait une conséquence d’une non utilisation ou une stimulation inadéquate des systèmes posturaux impliqués.(11)
Ainsi, il semble tout à fait intéressant voire indispensable d’intégrer des exercices de proprioception tels que nous les avons présentés, dans les séances de préparation physique des karatékas afin d’améliorer plus rapidement la stabilité et donc la performance en kata.

4.2. La station unipodale 

Malgré le fait que les résultats montrent une légère amélioration de la stabilité unipodale chez le groupe proprioception, les analyses statistiques ne permettent pas de montrer significativement qu’il s’agisse d’un effet de l’entraînement.
Cela pourrait venir du fait que l’entraînement proposé durant ce cycle de proprioception était essentiellement basé sur des exercices en appui bipodal.

De plus, il semblerait qu’un cycle de 6 semaines ne soit pas suffisant pour améliorer significativement la stabilité unipodale qui sollicite une partie plus importante de la musculature et requiert une adaptation neuronale plus élaborée, plus complexe.
En effet, l’équilibre quasi-statique en appui bipodal ne sollicite qu’une partie du système complexe qui assure l’équilibration contrairement à l’appui unipodal. Certaines études ont pu ainsi montrer que les afférences labyrinthiques n’étaient stimulées qu’au-delà d’une certaine amplitude d’oscillations. (12)

Nous pouvons donc faire l’hypothèse que pour améliorer la stabilité unipodale, il convient de réaliser des cycles de travail spécifique en proprioception en intégrant davantage d’exercices en appui unipodal, pendant une durée plus importante que notre protocole afin d’entraîner notamment une adaptation labyrinthique.

4.3. Durée de freinage du mouvement (netteté) 

Les résultats que nous avons obtenus nous permettent d’affirmer que 6 semaines

d’entraînement spécifique en proprioception (HUBER®, squats sur surfaces instables) àraison de deux entraînements par semaine, suffisent à améliorer significativement l’impression de « netteté » du mouvement par une décélération brutale et une stabilisation rapide du corps ou de la partie du corps concernée.

(11) Riva, D. (2003). La régression fonctionnelle du contrôle postural chez les athlètes de haut-niveau. Congrès de la société française des masseurs kinésithérapeutes du sport.
(12) Amblard B. Les descripteurs du contrôle postural. Ann. Réadaptation Méd. Phys. 1998, 41, 225-237

Ceci semblerait être la conséquence d’un renforcement des muscles soléaires, stabilisateurs de l’abdomen, érecteurs du rachis lombaire supérieur et érecteurs du rachis lombo-sacré. Ainsi, le sujet en partant d’une position immobile plus stable, pourra déclencher son mouvement explosif et s’arrêter brusquement dans une position beaucoup plus précise, stabilisée. Cela lui permettra de freiner son mouvement dans un temps plus bref, ce qui donnera une impression de netteté du geste.

Ici, la partie concernée que nous avons analysée est le poing car la stabilisation de celui-ci en kata est majeure pour une impression de netteté. Cependant nous aurions pu placer également un accéléromètre au niveau du pied et de la hanche afin d’obtenir des données plus précises mais le dispositif de mesures reste encombrant.

5. CONCLUSION ET PERSPECTIVE 5. CONCLUSION ET PERSPECTIVE

Le but principal de notre étude était :

  • Exprimer les effets d’un entraînement spécifique en proprioception grâce auxnouvelles technologies actuelles sur la performance en kata.
  • Préciser la place de la proprioception dans le programme annuel de préparationphysique des karatékas.
    Grâce à l’utilisation de moyens technologiques récents tels que les accéléromètres et les capteurs de force, nous avons pu mettre en place des tests spécifiques à l’activité kata, une des deux formes de compétition en karaté. Ces tests ont été réalisés pour évaluer les effets d’un cycle de travail en proprioception sur l’équilibre en kata dans le but d’optimiser le programme de préparation physique spécifique.Les principaux résultats enregistrés sont :
  • les effets bénéfiques d’un cycle de travail spécifique en proprioception (avec notamment l’utilisation de mouvements de squats sur surfaces instables et HUBER®) sur l’équilibre bipodal, sur la stabilité et la netteté du geste technique, qualités indispensables au kata et par conséquent la performance.
  • Une légère dégradation des qualités d’équilibre à l’issue d’un programme d’entraînement traditionnel sans recours à un travail proprioceptif spécifique.

Si la France a réussi à s’imposer depuis plusieurs années sur les premières marches du podium international en karaté malgré le niveau de plus en plus exigeant, c’est en partie grâce à l’intégration progressive de la préparation physique dans la planification des karatékas. En effet, à haut-niveau le degré technico-tactique est sensiblement le même.

Cependant, si la préparation physique a su imposer sa place dans la planification annuelle des combattants en dépassant les préjugés (effets négatifs sur la qualité et l’efficacité de la frappe notamment), celle des compétiteurs kata reste plus discrète.

Pourtant, si l’on étudie avec attention les qualités indispensables à la performance en kata, outre les qualités d’explosivité, la stabilité du corps et l’impression de « netteté » du mouvement sont des critères primordiaux de performances.

Les limites de cette étude se trouvent dans le nombre relativement réduit d’athlètes évalués, le matériel HUBER® assez coûteux, l’encombrement du système de mesure et la présence de fils entre le sujet et le dispositif d’enregistrement (test avec accéléromètres).

Notre travail a démontré qu’un travail en proprioception avec réalisation de squats sur surfaces instables ainsi que sur HUBER® est devenu une composante fondamentale de la préparation physique en kata.
Il apparaît comme nécessité dans la programmation annuelle d’introduire dans les séances de préparation physique des séances de proprioception telles que nous les avons proposées.

Ce type de travail devrait également faire partie intégrante de la préparation physique des combattants, également des autres sports de combats (boxe, taekwondo), les activités où l’équilibre est un critère déterminant de la performance (ski, snow-board, surf, planche à voile…) mais aussi pour renforcer les muscles profonds, de gainage et prévenir les blessures.

De plus, si HUBER® a été associé dans notre expérimentation, à l’utilisation d’exercices basées sur la réalisation de squats sur surfaces instables, c’est tout d’abord dans un but de complémentarité mais également dans un souci de d’organisation.
En effet, nous avons rarement à faire à un seul athlète en préparation physique, de même dans un cabinet de kinésithérapie.

Ainsi, l’utilisation de plusieurs formes de travail complémentaire s’avère indispensable afin de gérer au mieux les facteurs organisation et performance.


6. BIBLIOGRAPHIE

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7. ANNEXES

Squat sur ballon suisse : 

squat sur ballon suisse

Entraînement sur HUBER® :

entrainement huber

Résumé :

Le but de notre travail a été d’exprimer les effets d’un entraînement spécifique en proprioception grâce aux nouvelles technologies actuelles sur la performance en kata, et de préciser la place de la proprioception dans le programme annuel de préparation physique des karatékas.

12 karatékas de niveau national partagé en 2 groupes ont composé la population de cette expérimentation : Groupe Proprioception (n= 6) : un cycle de travail de proprioception de 6 semaines comportant un travail de squats sur surfaces instables et l’utilisation de HUBER® ; Groupe témoin (n= 6) : une pratique traditionnelle du karaté.

Au terme de ce programme, le groupe proprioception a enregistré des baisses significatives p<0,05 des oscillations de la position du centre de gravité en position bipodale (antéro-postérieure et latérales) ainsi que sur la longueur totale et la vitesse du déplacement. Le groupe témoin a enregistré des légères augmentations significatives de la plupart de ces paramètres.

L’hypothèse de travail selon laquelle le fait de programmer un cycle de travail spécifique en proprioception (avec l’utilisation de mouvements de squats sur surfaces instables et HUBER®) permettrait d’améliorer l’équilibre, qualités indispensables au kata et par conséquent la performance dans un temps plus court est vérifiée, puisque nous avons obtenu des résultats significatifs quant à l’amélioration de l’équilibre bipodal et de la netteté du geste en fin de mouvement.

Mots-clés : proprioception, équilibre, Kata, HUBER®, squats sur surfaces instables


Abstract :

The purpose of our work was to express the effects of specific proprioception training thanks to the new current technologies on the kata performance and to clarify the place of the proprioception in the annual program of the karatekas physical preparation.

12 karatekas of national level shared in 2 groups composed the population of this experiment : Proprioception group (n = 6) : a working proprioception cycle of 6 weeks containing a work of squats on unstable surfaces and HUBER ®’s use ; Reference group (n = 6) : a traditional practice of the karate.

In the term of this program, the proprioception group have significant falls (p < 0,05) of the oscillations of the position of the gravity centre in bipodal position (antero-posterior} and laterals) as well as on the total length and the speed of the movement.
The reference group registered light significant increases of most of these parameters.

The working hypothesis according to which the fact of programming a specific proprioception cycle (with notably unstable squat movements and HUBER®) would allow to improve the balance, qualities indispensable to the Kata and consequently the performance in a shorter time, is verified, because we obtained significant results as for the improvement of the bipodal balance and from the neatness of the gesture at the end of movement.

Keywords: proprioception, balance, Kata, HUBER®, unstable squat movements


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